La communauté juive renaît en Estonie

Le rabbin Kot n'hésite pas à parler de « miracle ». L'Estonie n'avait-elle pas été déclarée « judenfrei », débarrassée de ses Juifs, par l'occupant nazi dès décembre 1941 ? Les quelque 1 000 membres de la communauté restés sur place - soit une personne sur cinq - venaient d'être décimés. Une partie de ceux qui avaient pu fuir revint sur place à partir de 1944. Mais le pouvoir soviétique ne leur restitua pas l'autonomie culturelle accordée par l'État estonien dans l'entre-deux-guerres. Détruite lors de bombardements, l'ancienne synagogue de Tallinn ne fut pas reconstruite. « Les traditions, la culture, l'histoire juives, nous avons tout perdu », se souvient Hanon Barabaner.
Toutefois, dès 1988, à la faveur de la perestroïka, les Juifs d'Estonie furent les premiers dans l'URSS chancelante à pouvoir fonder une société culturelle. L'ancien lycée juif de Tallinn rouvrit ses portes, rue Karu. On y tint des offices religieux dans une salle du deuxième étage. Jusqu'à ce que la nouvelle synagogue soit ouverte dans la cour du lycée.
Les russophones majoritaires
« Religieux ou non, tout Juif est fier de ce bâtiment, il apporte une touche de romantisme », estime Alla Jakobson, la présidente de la communauté juive du pays balte. Elle espère que le lieu, clair et moderne, attirera à lui ceux qui ont« perdu leurs racines ». « Les adultes ayant grandi dans l'URSS ne pensent qu'à l'argent », regrette le rabbin Kot, arrivé d'Israël il y a sept ans. Il avait alors 23 ans.
Issu du mouvement orthodoxe Loubavitch, il a appris le russe, la première langue employée à la crèche et au lycée juifs. Un détail linguistique qui chagrine les Juifs de souche estonienne, désormais minoritaires face aux russophones venus de l'ex-URSS. « Nous ne pouvons pas y envoyer nos enfants », déplore l'un d'eux, Elhonen Saks. Si on ne peut pas parler de véritable antagonisme entre les deux « camps », les questions relatives aux minorités russophones du pays (29 % de 1,4 million d'Estoniens) sont vivement discutées au sein de la communauté.
Le déplacement controversé, fin avril à Tallinn, d'une statue à la mémoire des soldats soviétiques morts pour « libérer » le pays balte a été « mal vécu par la majorité d'entre nous », confie Alla Jakobson. Mais la communauté s'est bien gardée de prendre position. « Les critiques n'auraient pas tardé à pleuvoir »,assure le rabbin, soucieux de ne pas alimenter un antisémitisme moins présent ici que dans les autres pays baltes.
En Lituanie, en particulier, où la communauté juive était la plus nombreuse avant-guerre (plus de 200 000 personnes, contre près de 5 000 aujourd'hui), il n'est pas rare qu'un média s'en prenne à elle. L'absence d'un règlement définitif au dossier des restitutions des biens juifs dans ce pays majoritairement catholique empêche toute normalisation durable.
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