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Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
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Histoire des Juifs d'Algerie







centrefleg

LA DECHIRURE HISTORIQUE DES JUIFS D'ALGERIE






Article paru le 24 Juin 2004 dans "Le quotidien d'Oran".



Chapitre I

               
LES RELATIONS JUDEO-ARABO-BERBERES, EN ALGERIE, AVANT L'OCCUPATION FRANCAISE DE 1830

Il y a deux ans environ, lors d'un colloque organisé à l'Université de Constantine, j'ai l'occasion  d'échanger quelques propos avec une jeune algérienne dont l'âge révélait qu'elle n'avait connu ni les temps de la colonisation ni ceux de la guerre d'indépendance de 1954 en Algérie. Et, apprenant que je suis Juif originaire de Constantine, elle me fait savoir avec toute l'ardeur et la conviction de sa jeunesse qu'elle ne pardonne pas aux Juifs d'Algérie d'avoir quitté leur pays, en 1962 manifestant ainsi, selon elle, leur rejet de la situation créée par l'indépendance conquise. La scène se passe dans une vaste salle où des dizaines de personnes prennent leur repas si bien que la discussion sur  les relations judéo arabo-berbères en Algérie ne peut s'établir sérieusement. C'est cette discussion que je voudrais reprendre ici, espérant que mon interlocutrice d'alors pourra en prendre connaissance et y trouver quelques éléments d'explication à sa remarque.

Les Juifs sont présents au Maghreb dès le III° ou même II° siècle

Tous les historiens qui se sont penchés sur la question reconnaissent actuellement l'existence d'une vie juive au Maghreb peu de temps après la destruction du royaume de la Judée antique par les armées romaines, au II° siècle de l'ère chrétienne. Après cette destruction, les Judéens s'éparpillent dans le monde méditerranéen y compris au Maghreb. Je me suis trouvé récemment à Constantine où j'ai pu observer au Musée de la ville trois dalles de pierres que sa directrice m'a assuré être des vestiges historiques de la région datant du III° siècle de l'ère chrétienne. Sur l'une de ces pierres, je peux lire, très clairement gravées en caractères hébraïques,  les mots laïla hazé termes signifiant en hébreu cette nuit. Et la directrice du musée, historienne de formation, de m'assurer que de telles découvertes ne sont pas rares dans la région voire dans toute l'Algérie.
Une  pacifique cohabitation des Berbères et des Juifs
Les Juifs arrivant de Judée au Maghreb,  n'y  trouvent pas un pays désertique et inhabité. Des populations  agricoles ou  pastorales de culture païenne y sont déjà installées, les Berbères. Les Juifs, apportant avec eux les connaissances et les savoir-faire de toutes les grandes civilisations du Moyen Orient, deviennent vite, dans leur nouveau pays,  les moteurs de l'expansion économique, politique et culturelle des tribus qui le composent. En leur sein, les conversions au judaïsme se font de plus en plus fréquentes. Si bien que, aux dires du grand historien arabe Ibn Khaldoun1, la Berbérie, au VII° siècle, devient un vaste territoire allant de Gabès à Tanger qui sera, un temps, unifié sous l'autorité d'un personnage hors du commun, relevant à la fois de l'histoire et de la légende, une femme surnommée la Kahena2, berbère et juive à la fois. En Berbérie, poussés par des besoins et des intérêts communs, Juifs et Berbères cohabitent ainsi pacifiquement et c'est une  population soudée par leur entente à laquelle se heurtent les troupes arabes venues d'Orient au VIII° siècle pour établir une tête de pont à Kairouan,  préparer la traversée des Aurès, vers l'ouest,  et envahir le pays de la Kahena. Entourée de son peuple, celle-ci résistera  trois années durant aux troupes arabes pourtant grossies par d'importants renforts mais finit par être vaincue et tuée au combat. Les Arabes occupent alors la totalité du pays.


Les relations entre Juifs et  Arabo-Berbères, en Algérie, avant l'occupation française

Quelle est la situation économique, politique et sociologique des Juifs et des Arabo-berbères dans le Maghreb sous domination arabe3 avant l'occupation française, en 1830 ? Au fil des siècles, cette situation laisse apparaître certaines caractéristiques relativement stables. Si, au plan du vécu culturel, les cultes musulman et juif se séparent incontestablement les uns des autres4, au plan économique et social, les points de ressemblance sont nombreux.  De part et d'autre,   subsistent les mêmes clivages sociaux qui font se distinguer des classes de propriétaires, d'exploitants agricoles, de commerçants fortunés au dessus d'une masse populaire plus ou moins inculte et, qui, la plupart du temps, subsiste au jour le jour des maigres ressources d'un artisanat local, d'une agriculture archaïque et de besognes plus ou moins rémunératrices. Lors du fameux coup de l'éventail qui a servi de prétexte à l'invasion de l'Algérie par les troupes françaises, ce sont de riches commerçants juifs qui sont concernés5. Les grosses fortunes ne manquent donc pas, en cette période, parmi les Juifs.  Chez les Arabo-Berbères, non plus. Plus tard, on  connaîtra, entre autres, chez eux de riches propriétaires tels que les Tamzali, négociants en huiles, Bentchicou qui fit fortune dans le tabac et bien d'autres grandes familles. Mais, de la  même façon, durant le même temps, chez les Juifs comme chez les Arabo-Berbères, la misère étend ses méfaits parmi les masses populaires, dans leurs quartiers des grandes villes, très souvent jouxtés les uns aux autres et où les architectures misérables ne le disputent qu'au manque d'hygiène et de salubrité. 

Au plan  politique, et, plus précisément, à celui des relations des personnes avec les autorités, la règle est celle de tous les états régis par l'Islam : si les musulmans jouissent du maximum de droits que rend possible le régime politique en place, il n'en est pas de même des non Musulmans, y compris des Juifs. Ceux-ci sont des dhimis, des individus qui, pour jouir de ces mêmes droits,  doivent s'acquitter d'un impôt supplémentaire en sus de quelques restrictions mineures des droits telles que celui de monter à cheval, de porter certains types de  vêtements, etc. Pourtant, en dépit de ces différences, la cohabitation entre les deux groupes, Arabo-Berbères et Juifs, ne présente pas de conflits majeurs. Mieux encore on y constate une similitude voire une identité des us et coutumes hormis, bien sûr, celles relevant de la pratique du culte : on s'habille de la même façon (hormis le port du voile qu'ignorent les femmes juives) ; on mange souvent les mêmes plats préparés de la même façon, on parle la même langue, une sorte d'arabo-berbère où se mêlent parfois des termes hébraïques ou d'origine hébraïque, on se réjouit à répéter les aventures du même modèle populaire, Djeha,  et, surtout, on apprécie le même genre musical avec, principalement, dans les régions de Constantine et de Tlemcen, le célèbre Malouf. Les patronymes juifs et arabo-berbères sont souvent les mêmes ou dérivent souvent les uns des autres6. Ainsi, avant le décret Crémieux de 1870 qui fera des Juifs algériens des citoyens français, mon grand père, né en 1868, n'est pas français mais sujet algérien au regard de la France et dhimi  à celui des autorités musulmanes. Ce qui ne l'empêchera pas d'entretenir avec son entourage français ou arabo-berbère les meilleures relations, la communauté de langue (concernant les seconds), d'humour et du même bleu du ciel parvenant à estomper souvent maintes différences.     

Chapitre II

LE DECRET CREMIEUX DE 1870


Dans quel contexte est-il promulgué ?

Le 14 juin 1830, une escadre française débarque à Sidi-Ferruch, en Algérie, pour y mener une guerre d'occupation qui  se terminera effectivement avec la rédition du chef algérien, l'émir Abdelkader, le 16 mai 1843.

Dès cette période, de nombreux Européens (surtout français, mais aussi espagnols, italiens et maltais) s'installent de bon – ou mauvais -  gré -  en Algérie où ils tirent profit  d'une hiérarchie sociale  faisant d'eux des conquérants et des possédants, face au petit peuple conquis et dépourvu de ressources des Arabo-Berbères. Les Juifs, eux, sont des indigènes algériens pour les Français, des dhimis pour les Musulmans et ce, jusqu'en 1870.

De 1830 à 1870, la France traverse une période relativement instable au plan politique. Le Second Empire qui succède à la République se termine par la défaite de Napoléon III à Sedan, l'insurrection de la Commune de Paris et la réaction musclée de Thiers contre les insurgés. Durant cette période, l'antisémitisme français s'accroît et trouve son point culminant durant l'affaire Dreyfus, en 1895.

Durant cette période, l'Algérie, elle, connaît tous les méfaits du colonialisme,  les pouvoirs dont dépend sa vie aux plans économiques, politiques et culturels étant centralisés à Paris. L'administration du pays est de type politico-militaire et demeurera toujours fortement marquée par les courants d'extrême droite dont l'option antisémite se renforce de jour en jour. Le journal La juste parole  qui en est l'organe connaît des tirages importants.

C'est dans un tel contexte que, au lendemain de la défaite de Sedan, le gouvernement provisoire de la république française promulgue, sur proposition du ministre Crémieux, un décret offrant la citoyenneté française aux Juifs nés en Algérie.

Pourquoi ce décret ?

Les causes de la promulgation du décret Crémieux sont nombreuses et  se retrouvent aussi bien en France qu'en Algérie. En France, cette promulgation se fait presque en catimini. Ce n'est pas un gouvernement officiel et élu de la France qui en est l'auteur mais un gouvernement provisoire produit d'une défaite militaire. D'entrée, la droite française antisémite y est formellement opposée. Plus tard, Thiers, dès son accession à la tête de l'état, tente à plusieurs reprises de le faire annuler. Mais la gauche française et le rabbinat en défendent l'idée, la première probablement pour des raisons électorales7, le second parce qu'il considère le judaïsme algérien comme rétrograde.

En Algérie, les masses juives sont, certes,  tentées par le niveau de vie matérielle des Français qu'ils côtoient mais le rabbinat est formellement opposé au décret. En effet, en échange de la citoyenneté française, celui-ci réclame l'abandon de tout statut particulier  par les populations qui en bénéficieraient. Or, concernant les Juifs, particulièrement en ce qui touche à la vie privée (mariages, divorces …), les tribunaux rabbiniques ont, jusque là, conservé d'indéniables prérogatives. Donc, opter pour le décret soumettrait les nouveaux citoyens juifs au seul droit français et réduirait d'autant le pouvoir des rabbins. On comprend que, dés l'origine, lorsque le décret  s'est présenté comme une simple offre de la citoyenneté française aux Juifs d'Algérie pris individuellement, à peine 5% d'entre eux y répondent favorablement. L'année suivante, le même décret se fera décision gouvernementale touchant la collectivité des Juifs d'Algérie qui ne peuvent s'y soustraire la France détenant le pouvoir juridique du pays. Ainsi, la citoyenneté française est octroyée automatiquement à toute personne juive née en Algérie (37000 Juifs) et aux autres populations européennes non françaises. Les Algériens musulmans, eux, demeurent des indigènes. Les Juifs nés avant 1870 sont naturalisés comme c'est le cas de mon grand père né en 1868. Mon père, par contre, né à Constantine en 1901, sera, de ce fait, automatiquement  citoyen français.     

La révolution des hiérarchies

En Algérie, les conséquences de l'application du décret Crémieux sont importantes surtout au plan des relations judéo françaises, d'une part, et judéo-arabo-berbères, d'autre part.

Au plan judéo français, l'antisémitisme de l'administration locale est, plus que jamais, attisé. Il arrive fréquemment que cette question soit le nerf conducteur de campagnes électorales de tous niveaux. Les milieux réactionnaires et antisémites ne peuvent voir d'un œil favorable  que les Juifs algériens puissent jouir des mêmes droits qu'eux-mêmes8.           

Au plan des relations judéo-arabo-berbères, la nouvelle situation fait apparaître une révolution des hiérarchies : les Juifs, jusque là dhimis, donc, en un sens, soumis aux autorités musulmanes, deviennent citoyens français et, de ce fait, d'une part, leur échappent, d'une autre, se haussent au même niveau que les maîtres du moment, les Français. Ils votent dans le même collège électoral qu'eux alors que les Musulmans, même pour élire leurs représentants à la future Assemblée algérienne, ne voteront que dans un collège distinct de celui des non-Musulmans. Et, surtout, - et c'est à, pour les Juifs, un facteur fondamental de leur évolution - les enfants juifs, en tant que français, vont à l'école laïque française9 où ils  acquièrent une culture à la fois scientifique et littéraire dont l'immense majorité des enfants musulmans sont privés. Dans de telles conditions, très vite le clivage culturel entre Arabo-Berbères et Juifs va en s'accentuant. La culture arabo berbère, condamnée à la stagnation par absence de création et de transmission scolaire, se laisse distancer par la culture dont bénéficient désormais les Juifs. Au plan de son vécu, la vie sociale, jusque là  présentait une hiérarchie au sommet de laquelle se situent les Français, suivis des Arabo-Berbères puis des Juifs. Désormais, il y a inversion des deux derniers termes de cette hiérarchie. Les Juifs précèdent les Arabo-Berbères10.

On peut voir dans la révolte du Bachagha Mokrani, qui éclate le 14 mars 1871, contre la France, l'une des manifestations algériennes s'opposant au nouveau statut des Juifs11.

Néanmoins, une cohabitation politique et culturelle positive

Il n'en reste pas moins que, malgré la révolution des hiérarchies, la cohabitation judéo arabo-berbère ne connaît  toujours pas de conflits majeurs. Les liens économiques et surtout culturels entre les deux groupes résistent à toutes les tentatives de division12. On note, au plan politique, que, entre 1939 et 1942, sous le régime de Vichy, alors que les Arabo-Berbères auraient pu, dans une relative impunité, faire subir aux Juifs redevenus indigènes algériens donc privés des apports du droit français, toutes sortes de malversations et de sévices, rien de tel ne se produit. La coexistence entre les deux groupes se poursuit avec une sérénité persistante. Certes, phénomène courant dans toutes les sociétés pluriculturelles, des actes de nature raciste existe bien de part et d'autre, mais aucun conflit collectif grave n'éclate entre eux. Enfin, il semble que le décret Crémieux soit parvenu à "franciser" le corps social des Juifs algériens considéré dans son mode de vie, sans pourtant atteindre leur âme qui continue à vibrer à la même musique, aux mêmes équipes de football algériennes, à la même effervescence méditerranéenne faite à la fois de générosité et d'agressivité.

La déchirure historique des Juifs d'Algérie

De nos jours, quarante années après l'accession de l'Algérie à son indépendance, les Juifs d'Algérie émigrés en France vivent comme les Français, politiquement, juridiquement, matériellement. Mais se vivent-ils comme Français de la même façon qu'un Bourguignon, un Normand ou un Gascon ?

En premier lieu, il convient de rappeler que l'expression de  pieds noirs ne peut être employée pour désigner les Juifs originaires d'Algérie. Les pieds noirs sont les descendants de tous les Européens – majoritairement français – qui, à partir de 1830, se sont installés en Algérie pour en faire une colonie de peuplement. Les Juifs, eux, sont présents dans le pays dès le II° ou III° siècle, donc bien avant les Français, les Turcs et les Arabes. Leur histoire n'est pas celle des pieds noirs.

Pourquoi les Juifs ont-ils majoritairement quitté l'Algérie -  la plupart pour la France - lorsque le pays a accédé à son indépendance, en 1962 ? Nous l'avons déjà dit, leur situation était ambiguë : si de corps, de situation sociale, ils avaient épousé les normes françaises, leur âme, leurs us et coutumes, leurs affinités de vie les rattachent à l'Algérie. Mais, dès 1960, un problème se fait de première urgence en Algérie, celui de la sécurité des personnes. Les agissements de l'OAS13 créent un climat d'extrême tension où les exécutions sommaires deviennent monnaie courante pour tout Européen osant émettre une opinion autre que celle défendant "l'Algérie française". Un autre fait est déterminant en ce moment : l'exécution de Cheikh Raymond14, un chantre du malouf. Il semble que cet assassinat ait sonné comme le signal de départ des Juifs algériens.
C'est au plan sociologique que la déchirure des Juifs algériens émigrés en France apparaît avec le plus de clarté. J'ai pu moi-même mesurer, au hasard de conversations personnelles, à quel point est grand leur désir de revoir "la rue de la Révolution" d'Oran, "la Grande Poste" d'Alger, "la Brèche" de Constantine ou le "cours Bertagna" de Annaba. Les souvenirs qu'ils égrènent de ces lieux sont généralement douloureux, faits  de scènes qui demeurent dans leur moi le plus intime. Mieux encore, il est très rare qu'un mariage ou une bar mitzva15 dans une famille juive originaire d'Algérie se déroule sans la présence d'un orchestre que l'on fait parfois venir d'Algérie même pour jouer des "airs du pays".

J'ai moi-même, ces dix dernières années, eu souvent l'occasion de me rendre en Algérie pour des raisons à la fois amicales et professionnelles. L'accueil que j'y ai reçu de la part de personnes de toutes catégories sociales a toujours été à la mesure d'une grande et totale convivialité voire amitié. Un fait est à souligner que j'ai pu vivre quotidiennement. Dans ce pays où la jeunesse fait près des ¾ de la population, une majorité de mes interlocuteurs n'ont connu ni les sévices de la colonisation ni les drames de la guerre d'indépendance. Entre eux et moi, les relations étaient celles d'une entre aide réelle et souvent chaleureuse. Aucune cause sérieuse de conflits !

Une de ces relations devenue un ami m'a, un jour, fait la remarque suivante : pourquoi ne demanderais-tu pas la double nationalité française et algérienne et, avec toi les Juifs originaires d'Algérie ? Ma réponse a été très nette : cela ne me dérangerait sûrement pas mais ne vaut-il pas mieux que les Juifs d'Algérie manifestent leur attachement à leur pays d'origine par des actes participant à sa progression sociale ? Et cette participation ne peut-elle se faire aussi bien  de Paris que d'Alger, de Lyon que d'Oran, de Marseille que de Constantine ? L'écartèlement des Juifs originaires d'Algérie se transformerait, ainsi, en un lien nouveau entre Juifs et Arabo-Berbères, voire entre la France et l'Algérie.

             Hubert Hannoun

Ancien professeur d'école normale à Constantine
Professeur des Universités  d'Aix-Marseille 1 (France)

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