AVERTISSEMENT

Amis lecteurs
Je ne fais ce Blog que pour vous faire decouvrir les tresors du Judaisme
Aussi malgre le soin que j'apporte pour mettre le nom de l'auteur et la reference des illustrations sur tous ces textes , il se pourrait que ce soit insuffisant
Je prie donc les auteurs de me le faire savoir et le cas echeant j'enleverais immediatement tous leurs textes
Mon but etant de les faire connaitre uniquement pour la gloire de leurs Auteurs

Les Juifs de Boukhara


          Enfants juifs en habits traditionnels, avec leur professeur, 
          àSamarcande entre 1909 et 1915.- wikipedia


  Les Juifs de Boukhara


Il est 5 h 30 du matin, le soleil vient de se lever sur Boukhara. Avec Samarqand et Khiva, c'est l'une des principales cités sur la Route de la Soie, voie de communication terrestre majeure durant près de 1.600 ans. Au centre, Labi Hauz, la place principale. Très animée, en fin d'après-midi et en début de soirée, elle offre l'image typique d'une place en Asie centrale avec ses hommes, souvent âgés, buvant du thé, jouant au backgammon, racontant des histoires, et des flâneurs, déambulant sans but précis.
C'est au sud de Labi Hauz que se trouve ce qui fut le quartier juif. La majorité des Juifs restés à Boukhara y résident - ils représentaient environ 7 % de la population jusqu'en 1991, ils ne sont plus qu'un bon millier aujourd'hui. A côté de l'école juive se trouve l'une des deux synagogues encore active (il y a 100 ans, on en comptait encore sept). Autour d'une petite cour, deux pièces sont aménagées pour la prière. L'une, qui sert principalement les jours de semaine, est déjà remplie de fidèles pour l'office du matin. L'autre pièce, plus vaste et joliment décorée, sert aux offices le Shabbat et les jours de fête.







Qui sont-ils les "Juifs de Boukhara"?

Ni ashkénazes, ni séfarades, ils sont proches physiquement des Tadjik, dont ils partagent la vêture, en particulier le "dopy", calotte carrée en blanc et noir. Ils ont survécu à plus de vingt siècles de guerres, d'incessants pillages, de conquêtes, de persécutions religieuses... Ils constituent une communauté à part, qui a réussi à préserver sa religion, sa culture, et son identité nationale dans un isolement quasi complet. Certains font remonter leur présence dans la région à la conquête du Royaume d'Israël par les Assyriens en 722 av. J.-C., lesquels déportèrent une large partie de la population d'Israël (les dix tribus perdues) vers Hador, supposée être Boukhara. Mais cette thèse est controversée, et d'après d'autres sources, les premiers Juifs n'arrivèrent en Asie centrale qu'après la conquête par les Perses (vers 520 av. J.-C.).

Seule certitude : la présence attestée des Juifs au XIIIe siècle, lorsqu'un mystique et magicien fanatique musulman les menaça d'expulsion. Si la menace ne fut pas mise à exécution, par contre, l'invasion mongole en 1270, avec à leur tête Genghis Khan, et les guerres qui suivirent, les touchèrent durement. L'avènement d'Amir Timur (Tamerlan) en 1370, considéré aujourd'hui comme le héros national de l'Ouzbékistan, fut bénéfique aux Juifs. Dans le but de reconstruire Samarqand et d'en faire sa nouvelle capitale, le nouveau souverain enjoignit à quelques centaines de familles juives de s'y établir. En compensation, il leur alloua des terrains.
Fin du XVIe siècle, la conquête par les tribus nomades ouzbek et l'établissement du Khanat de Boukhara, coïncidant avec la disparition du rôle économique de la Route de la Soie, furent des événements désastreux pour les Juifs de Boukhara. Bien que considérés comme "al dimma", le peuple protégé et, de fait, les institutions représentatives conservèrent une part d'autonomie. De nombreuses lois discriminatoires, connues comme "Termes d'Omar", furent édictées et des restrictions furent imposées aux Juifs : quartiers réservés, signe distinctif à arborer sur les vêtements, taxes spéciales telle la "Jizia", impôt sur le revenu et la "Kharaj", impôt foncier - élevé au point de décourager les Juifs à posséder la terre. Ici également, c'est vers le commerce qu'ils se tournèrent; ils y excellèrent au point de dominer pratiquement tout le commerce et l'économie de l'Emirat de Boukhara.
La présence constante d'un fanatisme religieux musulman poussa certains Juifs à se convertir, et Boukhara connu également ses "Marranes" -appelés ici "Chala"-, qui continuèrent à exercer leur judaïsme en secret. La situation se dégrada au point que l'existence même de la communauté fut menacée. Ainsi, un Juif séfarade, originaire du Maroc, Yosef ben Moses Mamon, qui visita Boukhara vers 1800, fut frappé par la misère religieuse et culturelle de cette lointaine communauté. Il décida de s'y fixer, ouvrit des écoles et fit venir de l'étranger des livres de prière. Devenu le leader spirituel des Juifs de Boukhara, il les persuada d'abandonner certains rites d'origine zoroastrienne et prêcha le retour vers la Terre Sainte. Une croissance naturelle et la venue de Juifs d'autres pays de la région (Afghanistan, Iran, Turquie, Palestine et même Yémen) firent croître la population juive de la ville.
Avec l'arrivée des Russes en 1868 et la transformation du Khanat de Boukhara en protectorat du tsar, la situation évolua positivement : les lois restrictives furent peu à peu levées, et une nouvelle classe de capitalistes naquit, se développa et… s'enrichit. Parmi ces "nouveaux riches", un banquier juif, Moshe Mullokandov, fut nommé représentant et trésorier de l'empereur Alexandre II à Samarqand. D'autres se lancèrent dans la propriété foncière, la création d'usines et le commerce international, avec l'ouverture de filiales et succursales dans de nombreuses villes de Russie et d'Europe occidentale. Un bon tiers des Juifs de Boukhara était des commerçants, mais on y trouvait également des ouvriers, des teinturiers de soie et des artisans.Vers la "Terre promise" : New York...
L'entrée de l'Armée Rouge en septembre 1920, et la prise de la ville par le général soviétique Frunze, signifia pour les Juifs une égalité de droits avec le reste de la population, mais également le début des persécutions religieuses, notamment la fermeture des écoles juives. Aujourd'hui, il ne reste à Boukhara qu'une école juive, fréquentée par la quasi-totalité des enfants juifs. A l'extérieur, une inscription en hébreu ("Beth Sefer"); à l'intérieur, des photos et des cartes d'Israël.
Lova (Levy), jeune Juif de Boukhara, a 25 ans, et comme son père avant lui, il est le responsable de la cantine strictement casher de l'école. Moderne, tout en étant traditionaliste, parlant couramment l'anglais, il se sent bien chez lui. Contrairement à nombre de ses coreligionnaires, il ne pense pas à émigrer : Nous sommes ici depuis des générations, ma famille est ici, et si beaucoup sont partis, moi je reste, pour assurer la casherout de la cantine...
Au XIXe siècle, lorsque les Juifs de Boukhara commencèrent à émigrer, c'est en Palestine qu'ils s'établirent, entre autres à Jérusalem, Jaffa, Safed et Tibériade. Depuis l'éclatement de l'URSS et l'ouverture des frontières, c'est plutôt vers la nouvelle "Terre Promise" que leurs regards sont tournés, les Etats-Unis, principalement New York, où réside une importante communauté originaire de Boukhara (ils y éditent d'ailleurs un journal, le Bukharan Jewish World).
Et quid de l'antisémitisme? Lova reconnaît qu'il existe, certes. Pourquoi d'ailleurs n'y aurait-il pas d'antisémites à Boukhara? Mais Islam Karimov, l'actuel président ouzbek, auquel on peut reprocher un penchant pour le culte de la personnalité, ne saurait être taxé d'antijudaïsme, au contraire. Il fait plutôt figure de philosémite dans un pays, qui sans être "islamiste", compte néanmoins une grande majorité de musulmans. Des relations diplomatiques entre l'Ouzbékistan et Israël existent, et Uzbekistan Airways assure une liaison aérienne hebdomadaire entre Tashkent et Tel-Aviv.
Alors quel avenir pour les Juifs de Boukhara? Vraisemblablement, il sera lié à l'évolution économique et politique du pays, et quand Karimov cédera le pouvoir, l'éternelle question : Est-ce bon pour les Juifs? se posera également pour les Juifs de Boukhara.
 Armand Schmidt

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